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Voyage 2016 dans les territoires Aborigènes : entre Ikuntji et Papunya Tula - épisode 7

Les termitières élancées avant d'arriver au centre d'art d'Ikuntji. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Gallery

Les termitières élancées avant d'arriver au centre d'art d'Ikuntji. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Gallery

Le lézard d'hier s'est levé quand je partais. Pour tout vous dire je l'ai un petit peu attendu. Ce n'est pas du tout un lève-tôt. Vers 10h30 il a émergé de son trou pour capter le soleil comme les animaux à sang froid.
Et surprise il est comme un caméléon. Hier il était jaunâtre-verdâtre dans son trou, ce matin sur de fines brindilles il vire au gris marbré.

Une autre version du Lézard diable dans les territoires Aborigènes © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Gallery

Une autre version du Lézard diable dans les territoires Aborigènes © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Gallery

Les piquants sur tout son corps n'invitent pas à lui dire bonjour ni à lui serrer la pince pour lui dire au revoir.

Une termitière un peu plus loin semble grouiller de vie. Quelle intelligence collective dans cette construction imposante sans ego.

En haut de la dune de sable, dès broussailles toutes maigrichonnes, sans doute adaptées à la sécheresse, se parent de fleurs rouges plantureuses à leur pied. Très étonnant ! L'opulence de la floraison, leur côté charnel, contrastent avec l'ensemble.

Au creux des dunes de sable, les fleurs ont la tête à l'envers. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Gallery

Au creux des dunes de sable, les fleurs ont la tête à l'envers. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Gallery


Dans d'autres parties du monde les fleurs auraient été exhibées avec fierté tout en haut. Ici on rase curieusement le sol et les pâquerettes.
Il doit il y avoir une raison à cela : effort trop lourd sur le plan biologique pour apporter l'énergie à la fleur ailleurs ? Symbiose avec d'autres éléments comme un insecte ou un marsupial tout petit qui se délecte du nectars ? Je chercherai...

J'ai retrouvé le plaisir d'une route sauvage sur 300 km. Une seule piste. Pas âme qui vive. Et des surprises par endroit : arbre couché sur la piste, sable emporté par un torrent... J'ai rabattu mes deux rétroviseurs et l'antenne qui manquaient d'être arrachés par les arbustes qui bientôt recouvriront ce chemin. Je m'arrête sur un espace vide et cramoisi. Quelques pierres émergent et des éclats de silex travaillés par les Aborigènes. Chaque lieu down under a été parcouru, visité, habité, honoré. Je prends ce silex en main et songe à cet homme lointain qui l'a façonné. J'aime ces moments de connexion à travers les siècles.

La piste de plus en plus étroite s'interrompt. Il conviendra de contourner l'obstacle. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Gallery

La piste de plus en plus étroite s'interrompt. Il conviendra de contourner l'obstacle. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Gallery

Après une visite bien sympathique au centre d'art d'Ikuntji où je découvre quelques merveilles, je pars à la tombée de la nuit vers Papunya. On m'indique un endroit où camper.
C'est un lieu bien étrange. Ici Mel Gibson participe au projet d'édification d'une croix sur un sommet et d'un chemin de croix associé... Le budget est faramineux. Il faut reconnaître que la vue est prodigieuse. J'y monte voir le coucher de soleil.
La visite de son église au centre d'art les a étonné. Cet art reflète une spiritualité non chrétienne... Tiens donc ! Aujourd'hui certains artistes sont chrétiens et marient habilement les différentes religions.

Un monument entre Ikuntji et Papunya Tula, subventionné généreusement par Mel Gibson. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Gallery

Un monument entre Ikuntji et Papunya Tula, subventionné généreusement par Mel Gibson. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Gallery

Le froid est mordant ce soir comme ce matin où une fine couche de gèle recouvrait mon duvet. Les nuits sont souvent interrompues par les températures hivernales. C'est rude mais je m'habitue.

Moment d'émotion ce soir d'être si près de Papunya là où ce mouvement d'art contemporain a commencé l'année de ma naissance. Cela ne s'invente pas. J'habite un instant les lieux, me réchauffe auprès d'un feu et songe aux dures conditions de vie des Aborigènes. Quelle remarquable capacité d'adaptation et de résistance.

Le coucher de soleil du côté des monts de Haast Bluff, près d'Ikuntji. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Gallery

Le coucher de soleil du côté des monts de Haast Bluff, près d'Ikuntji. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Gallery

Voyage 2016 dans les territoires Aborigènes : épisode 6 - Uluru

Quand les premiers hommes arrivèrent à Uluru et à Kata Tjuta (Monts Olgas), ils furent sans doute saisis par la beauté animale de ces blocs monolithes entre 1060 et 863 m de hauteur.
Leur démesure impressionne dans un océan de dunes à perte de vue.

Vue d'Uluru au cœur de l'Australie centrale. © photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art Gallery

Vue d'Uluru au cœur de l'Australie centrale. © photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art Gallery

Le grain des surfaces lissées comme la peau d'un lézard donne envie d'y poser la main.
Les cavités comme des yeux, des corps enchevêtrés, des traces d'un bestiaire oublié convoquent l'imagination.
A l'instar de toute les sociétés humaines, ils trouvèrent un sens, en y inscrivant les prémisses de leurs rituels et des lois du Tjukurpa, au Temps du Rêve.

Vue rapprochée d'Uluru au cœur de l'Australie centrale. © photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art Gallery

Vue rapprochée d'Uluru au cœur de l'Australie centrale. © photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art Gallery

Ces blocs forment un tout cohérent dans leur culture, à la fois habitat saisonnier, espace de cérémonie, grimoire scarifié dans la pierre, peint dans ses entrailles, lieu d'aboutissement et de commencement du monde.
Je tente d'oublier les hordes de touristes de la planète toute entière. Les bus qui les amènent sont blindés à l'avant pour projeter au loin les animaux qui pourraient s'y fracasser.
Les pancartes des gardiens ancestraux Aborigènes invitent à ne pas monter sur Uluru. Mais certains n'y résistent pas.

Vue rapprochée d'Uluru au cœur de l'Australie centrale. © photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art Gallery

Vue rapprochée d'Uluru au cœur de l'Australie centrale. © photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art Gallery


Mais pourquoi donc l'état Australien n'interdit tout simplement pas cette ascension ? Ailleurs il faut des permis pour accéder aux territoires Aborigènes, et des pénalités de plus de 1000 dollars sont perçues en cas de violation.
Il est bien loin le temps où des blancs ont planté un drapeau en haut d'Uluru comme sur la lune !
Les presque 400 mètres de dénivelé provoquent chaque année des accidents et des arrêts cardiaques, autant d'évènements tragiques pas neutres pour les Aborigènes.

Interdiction de monter sur Uluru. © photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art Gallery

Interdiction de monter sur Uluru. © photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art Gallery

J'appréhendais cette rencontre après la solitude de l'outback. Néanmoins l'intensité des lieux surpasse tous les atermoiements. Les marches de 8 km autour de ces deux lieux classés au patrimoine mondiale de l'Unesco méritent le détour pour saisir le privilège d'être là au présent.

En dépit des températures bien fraîches la nuit, je ne me lasse pas des bivouacs à la belle étoile. Un sentiment de liberté, de grande légèreté. Comme le matin, ne jamais savoir où l'on passera la nuit. Il y a presque une once de nomadisme (aléatoire) dans ces pérégrinations.
Chaque soir le rituel est immuable. Trouver un lieu inspirant et rassurant pour la nuit, en pleine nature et sans artefacts de notre monde.

Détail des Kata Tjuta (Monts Olgas) © photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art Gallery

Détail des Kata Tjuta (Monts Olgas) © photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art Gallery

Au choix selon l'endroit, creuser le sol pour le feu, ou former un cercle de pierre. Puis ramassage du bois sans hache, avant que la nuit ne tombe.
Le feu de bois est bienvenu en cet hiver et réchauffe le côté face du corps, pendant que le dos encaisse un vent léger à 5•c. Je rêve d'un grille pain pour équilibrer l'ensemble.

Termitière de l'outback près de Kata Tjuta (Monts Olgas) - lieu d'un bivouac. © photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art Gallery

Termitière de l'outback près de Kata Tjuta (Monts Olgas) - lieu d'un bivouac. © photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine Art Gallery

Il n'y a pas de connexion aujourd'hui. Ce message partira un autre jour.
Je remonte toujours vers le nord en direction de Kings Canyon, avant de retourner dans une communauté Aborigène.

Voyage 2016 dans les territoires Aborigènes : épisode 5

Après plus de 1000 km sur les pistes du désert central, je remonte vers le nord. Le 4x4 prend des allures de voiture fantôme. Une épaisse croûte de terre ocre séchée recouvre la plaque d'immatriculation. Pratique pour les radars !

Les restes d'un chameau importé. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Les restes d'un chameau importé. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Il est souvent impossible de contourner les étendues boueuses qui barrent la route.
C'est à quitte ou double. Soit cela passe, soit on reste bloqué au milieu et là c'est une autre histoire. Heureusement que je suis équipé d'un téléphone satellite.

Il faut une vigilance de tous les instants sur ces pistes peu fréquentées. Cela fait deux jours que je n'ai vu personne.
En un instant la piste rouge assez consistante se transforme en dune de sable où le véhicule semble flotter comme sur de la neige, puis redevient comme de la tôle ondulée, ou offre des creux de 50 cm de profondeur. Une vitesse réduite et le mode 4x4 sont d'une grande aide.

Les chameaux sauvages croisés un matin. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Les chameaux sauvages croisés un matin. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Hier matin je fus réveillé par un troupeau sauvage de chameaux. Je suis sorti aussitôt de mon swag pour les prendre en photo. Ils n'ont aimé du tout et ont pris peur. D'abord intrigués ils se sont enfuis à toute jambe.

Plus tard dans la journée je retrouvais un chameau en pièces détachées. Chapeau à Madame nature pour ce beau puzzle. La structure osseuse est magnifique pour des pièces importées en Australie.

Une Chrysler abandonnée près d'une mine australienne. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Une Chrysler abandonnée près d'une mine australienne. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Avant hier j'ai dormi près d'une mine abandonnée. Une ancienne Chrysler des années 50 ou 60 semblait de la même couleur que les pierres extraites. Le propriétaire devait avoir de l'humour. La pierre verte, superbe en soit, était vendue aux Chinois comme du Jade.  La combine a marché un temps puis ils se sont rendus compte de la supercherie.

Les fameux rockhole d'Australie - trou d'eau dans la roche - souvent évoqués dans les peintures aborigènes© Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Les fameux rockhole d'Australie - trou d'eau dans la roche - souvent évoqués dans les peintures aborigènes© Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Le soir, c'est soirée de gala. Pendant que je me réchauffe auprès du feu, les insectes sont de sortie. Certains viennent profiter à distance de la chaleur des flammes. D'autres brillent au loin dans leurs robes colorées chatoyantes. Ils ont tous des tailles impressionnantes. Les punaises sont 4 fois plus grandes que chez nous.

Sur la route aujourd'hui j'ai croisé des lieux formidables, dont des trous d'eau utilisés par les Aborigènes depuis des millénaires.
S’asseoir un instant, songer à leurs périples nomades, ressentir l'importance vitale du lieu, observer ça et là quelques pierres taillées il y a deux siècles ou 10 millénaires... C'est saisissant et émouvant !

La nature sauvage dans ces immensités désertiques australiennes. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

La nature sauvage dans ces immensités désertiques australiennes. © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Au bord de la piste je voyais hier des branchages en forme de hutte. Recouverts d'une couverture ils ont dû servir de refuge le temps d'une nuit, ou deux, à la suite d'une panne d'un véhicule.
Quand je vois le climat australien avec ces nuits hivernales bien fraîches, je suis admiratif des capacités d'adaptation des Aborigènes qui ont su faire face aux caprices des éléments sans moyen particulier.

Je m'imprègne des lieux, de ces immenses espaces Australiens, des paysages Aborigènes si étranges, des arbres ou espèces endémiques. À chaque pas des odeurs s'élèvent du sol. Je tente de reconnaître certaines plantes en les froissant. C'est un autre univers olfactif. Pas si simple !

Paysages rocheux Australien dans le APY land © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Paysages rocheux Australien dans le APY land © Photo : Aboriginal Signature • Estrangin Fine art gallery

Ce nouveau voyage en Australie est riche de découvertes et d'apprentissages. Dans le futur il me faudra apprendre la langue des Aborigènes du APY land.
J'aimerais pouvoir mieux échanger avec eux, surtout avec les plus anciens qui ne parlent pas anglais ou très très peu.

Après la visite de 8 centres d'art si différenciés, je fais une pause avant de m'approcher du mythique monolithe d'Uluru. Ce matin je retrouve l'asphalte.