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Intemporelle modernité - Art Aborigène d'Australie - Papunya Tula

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Il y a deux ans, j’arpentais les allées des collections du South Australian Museum à Adelaïde. Jamais je n’avais autant perçu la richesse et la diversité des objets Aborigènes.
 
Des paniers finement tressés du XIXe siècle y ressemblent à des bicornes napoléoniens.
Des casiers en fibre végétale battent en brèche l’idée d’un pur nomadisme. Ils servaient à piéger les poissons dans les rivières mais également dans des enclos dédiés à la pisciculture sur les côtes Australiennes...

Un peu plus loin, un boomerang tout érodé et blanchi, flirte avec les millénaires. Daté au carbone 14, il nous regarde du haut de ses 11 000 ans.

A un autre étage du musée, un polymère naturel inventé par les Aborigènes chamboule la pendule du temps. Le chauffage des buissons de Spinifex permit très tôt d’obtenir une colle, presque comme une matière plastifiée permettant d’assembler, d’entourer, d’emmancher des objets.


Vibration de signes millénaires

D’une vitrine à l’autre, je m’étonnais face aux symboles peints ou scarifiés sur les objets des siècles passés. Avec une surprenante modernité, des zig-zags complexes ornaient des boucliers en bois. Un peu plus loin des nacres gravées offraient des entrelacs, courbes et déliés, aux effets vibratoires et cinétiques renforcés par le miroitement de la matière.
 
Des panneaux en bois gravés anciens, appelés - messages boards -, ouvraient une autre fenêtre sur un langage ancestral. Au détour des signes, apparaissaient les lignes gravées des chemins du Temps du Rêve, les trous d’eau relevés par des cercles concentriques, les formes en U comme autant de personnages incarnés, les traces d’oiseaux ou d’animaux laissées par les grands ancêtres…
 
Ce vocabulaire pictural n’a jamais été oublié. Il retrouvera même une expression singulière quelques siècles plus tard dans la peinture Aborigène. Elle se révèlera à l’occident en 1971 en plein cœur du désert à Papunya.
 

Emouvante modernité

 
Aujourd’hui, avec la même fertilité qu’au départ, les Aborigènes convoquent au présent sur les toiles, la plus ancienne tradition artistique continue au monde.
Les retrouver aujourd’hui à Bruxelles, dans le cadre de notre nouvelle exposition « Aux sources de l’art » (*) avec les artistes de Papunya Tula est un moment privilégié et assez unique en Europe.
 
Les artistes actuels, sont les descendants des concepteurs de ces objets anciens. Ils sont même les gardiens de ces symboles et les partagent à travers leurs peintures. Ils jouent avec les motifs, les extrapolent, pour restituer toute la densité et la spiritualité de leurs mythes ancestraux.
Chaque peintre dispose de droits claniques hérités des anciens. Il peut ainsi transposer ces motifs peints hier sur leurs corps ou sur le sol, en utilisant de nouveaux supports comme les toiles de lin, et continuer ainsi de transmettre à son tour la mémoire de leur peuple.
 
Je me souviens d’une artiste Aborigène que je voyais chanter en peignant, puis danser une fois la toile terminée. Elle honorait les lieux et les ancêtres évoqués dans sa peinture.
En observant les formes presque sinusoïdales de son œuvre, il y avait comme une invitation à voir au-delà de la toile, à y lire comme une partition. Les ondulations de son pinceau, les effets de profondeurs, les scintillements cinétiques, portaient en eux un sens caché, une vision propre aux initiés, amplifiée et bercée par un univers musical millénaire. Chapeau bas !

L'artiste Aborigène Lena Nyadbi a les honneurs de France 2

L'artiste Aborigène Lena Nyadbi de la communauté de Warmun a les honneurs de France 2, dans l'émission d'Art d'Art. Une des premières fois qu'ils évoquent l'art Aborigène d'Australie dans cette excellente émission de Frédéric Taddei.

Vous voulez en savoir plus ? Voilà l'histoire merveilleuse un peu plus complète de cette œuvre magistrale sur le toit du Musée du Quai Branly à Paris.

Lorsque il y a des millénaires, l'ancêtre poisson Barramundi a accompli son œuvre, il rejoint les entrailles de la terre où se trouvent les ancêtres du Temps du Rêve.

En passant par le cône d'un ancien volcan trop étroit, il perd une partie de ses écailles. Avec le temps comme des fossiles, celles-ci se sont transformées en pierres brillantes visibles en surface.

Pour les Aborigènes ces traces lumineuses ont toujours attesté de cette grande époque de la Création.

Bien plus tard, lors de leur conquête des territoires Australiens, les colons découvriront que ces pierres brillantes sont en fait des diamants à même le sol. Ils furent rejetés par le volcan à travers les fragments de Kimberlite.

L'artiste Lean Nyadbi est la gardienne de ce lieu transmis de génération en génération. En revanche celui-ci a été détruit par l'occident. La colline du volcan a disparu aujourd'hui pour céder la place à l'immense mine d'Argyle, la plus grande mine de diamant au monde, exploitée par Rio Tinto.

Les Aborigènes sont en partie indemnisés ici pour l'usage de leur terre... Un sujet très très sensible en Australie.

A voir ici : http://m.france2.fr/emissions/d-art-d-art/videos/ecailles_de_barramundi_de_lena_nyadbi_13-11-2016_1350839?origin=ftvsite_homepage

Une œuvre de l'artiste à découvrir à Bruxelles au sein de notre galerie :
http://www.aboriginalsignature.com/art-aborigene-warmun-1/lena-nyadbi

N.B. : il est possible que la vidéo soit difficile à voir ailleurs qu'en France, en raison des copyrights de France Télévision.

Dialogue à travers les siècles et plus de 2500 km

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A gauche nacre gravée Aborigène, autour de 1920. A droite, peinture Aborigène de l'artiste Ronnie Tjampitjinpa (107 x 91 cm) de Papunya Tula Artists.

Rencontre du troisième type. 2500 km séparent ces deux objets et au moins cinq territoires de peuples aborigènes différents. A l'époque nomade c'était une énorme distance à travers le désert.

Les nacres, vierges, quittaient la côte près de Broome dans le Kimberley pour être échangées de clans en clans à travers les pistes chantées du désert. Non gravées au départ, elles le devenaient par la suite dans le cœur de l'Australie.

100 ans séparent cette nacre et cette peinture de l'artiste Aborigène Ronnie Tjampitjinpa. Et pourtant elles n'ont jamais été aussi proches. Les formes cinétiques dialoguent de l'une à l'autre. On ressent une proximité graphique forte. Elles furent toutes les deux réalisées par des représentants du peuple Aborigène Pintupi, tous descendants de la plus ancienne tradition artistique continue.

Quelle formidable ancestrale modernité dans ce chemin d'expression.

Cette œuvre fait partie de l'exposition "Aux origines de l'art" organisée au sein de la Galerie à Bruxelles jusqu'au 3 décembre 2016.

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